III L'activité du Laboratoire III III L'EXPEDITION (Rezé-Nantes-Rezé / Ratiatum-Condevicnum-Ratiatum) III
Journal d'Eddy : Expédition Rezé-Nantes-Rezé - Jour 10/11 :
Passée la surprise de se réveiller dans un appartement et les blagues foireuses du retour à terre ("J'ai le mal de terre", "Qui veut un Nescafé?"), nous nous remettons à l'ouvrage.
Il faut transporter le Fabrudy sur le site de Saint-Lupien et préparer la rencontre de ce soir.
Avec des rafales à 30 noeuds le bateau est très instable sur sa remorque, mais nous finissons par arriver sur le site.
Les gens affluent vers 19h et nous les accueillons comme il se doit.
Il devient évident que nous ne mangerons pas de paëlla de Bruno demain, nos invités ont tout bouffé.
Les Films du Camion diffuse une vidéo sur notre expérience, le capitaine est très sollicité, je fais visiter le Fabrudy 19 fois et on boit du blanc.
Une bande de gamins excités commence à danser dans le navire et je trouve ça bien.
Je danse avec eux bientôt rejoint par quelques invités alcoolisés.
Le bateau gîte comme en tempête, on boit du rhum au goulot, les enfants hurlent notre mot d'ordre de la semaine "On coule, mais on s'en fout!", le volume sonore s'élève, coté musique j'envoie du bourrin, tiens il n'y a plus d'enfant, qu'est-ce qu'on est nombreux sur ce bateau, ouai j'adore ce morceau!, y a plus de rhum ou quoi?, on coule mais on s'en fout!
Je me réveille dans le bateau dans un champ.
Arriverais-je à quitter ce vaisseau?
Un voisin sympa m'apporte un café et une crêpe arabe, on taille le bout de gras.
Hé! Mais c'est Bruno qui vient me dire au revoir.
Adieu l'ami poète.
Le cap' me rejoint et, une fois qu'on a tout rangé, ils nous arrivent une chose étrange :
nous n'avons plus rien à faire.
Comme nous maîtrisons mal l'emploi du temps des oisifs, on se laisse dériver et nous voilà en train de déjeuner avec des amies dans une station balnéaire.
Le capitaine s'endort sur la plage puis nous nous baignons dans l'Atlantique.
Demain je rentrerai chez moi pour retrouver une autre mer et ma famille.
Le Fabrudy restera là, à attendre dans un champ que nous revenions le chercher pour qu'il nous entraîne dans une nouvelle aventure.
Salut.
Eddy Godeberge le 18 juin 2012, Rezé.
Note du capitaine, jour 10, 0h09
Nous sommes saufs et à terre.
Avons essuyé gros grain et forte houle au moment de l'accostage.
Dure épreuve que nous raconterons plus tard, nous sommes fourbus.
Journal d'Eddy : Expédition Rezé-Nantes-Rezé - Jour 9:
En pleine nuit nous heurtons un banc de sable qui précipite notre réveil.
Voici le capitaine plongé dans l'eau glaciale avant même son thé avalé.
Nous nous affairons autour de l'engin qui craque de toutes parts ce qui ne semble pas perturber le sommeil de Bruno, le rêveur ligérien.
Cet incident nous galvanise, nous tentons une nouvelle expérience de locomotion.
La propulsion par dédensification.
Constatant que l'eau dans la cale occupe un volume supérieur à la même eau dans la Loire nous en concluons que celle ci possède une densité inférieure à celle de dehors.
Aussi nous décidons de vider la Loire par l'avant en vidant des seaux dans la cale, nous créons un trou devant le bateau qui nous aspire tandis qu'à l'arrière l'eau dédensifiée nous propulse en se redensifiant.
Curieuse image de voir un capitaine remplir son bateau avec un seau comme si c'était la Loire qu'il vidait et que c'était la mort elle même qu'il défiait.
Curieux homme aussi.
Ces desseins se révèlent peu peu à nous.
En fait, ils se révèlent à lui même dans le même temps.
Le défi n'était pas de traverser la Loire, il était de ramener vers les rives du bonheur ces trois éclopés que la vie avait malmené jusque là, bien plus qu'aucun fleuve ne pourra jamais le faire.
Bruno approuve ma pensée par un grognement ensommeillé, puis il pète.
Nous accostons pour le déposer afin qu'il aille quérir les ingrédients pour la paëlla de la Loire de demain.
Le vent s'est levé.
Et pas qu'un peu.
Ça gîte, ça culbute, ça tangue, ça swingue vegra dans le carré.
J'abandonne l'idée de pêcher du pont, je risquerais de servir moi-même d'appât.
On s'envoie un plat de pâte pour stabiliser l'estomac, on met nos gilets et on regarde en douce l'icône de Sainte-Thérèse.
Il nous arrive un grain de l'enfer.
Nous prenons l'eau par dessous, par dessus, sur le coté comme par derrière.
C'est clair, il faut rentrer.
Nous échouons-accostons sous les yeux amusés de Bruno et d'Emile, le président du Centre Nautique de Sèvre et Loire, qui en a vu d'autres..
Nous parons au plus pressé et nous dînons dans un bar à Dj.
La vache!
Le choc est violent, mais on s'en fout puisque nous dormons déjà.
Bonne nuit, mes amis.
Note du capitaine, jour 9, 9h08
Le réveil de l'équipage déclenché par un début d'échouage à 6h00 s'est bien déroulé. Réflexes au poil, même dans la torpeur de l'aube. Nous réglons les gardes et une petite maneuvre contre le courant nous permet de replacer l'ancre, nous voici écartés des hauts fonds.
Eddy s'est enfin remis à la pêche à la cuiller. Appât : parmesan et morceaux de poulet. Nous observons des alevins dans la soute qui s'agitent insouciants qu'ils sont. Nous envisageons de les exploiter pour tenter le mort manié, technique d'imitation des poissons malades.
Tandis que Bruno replonge dans le sommeil, une nouvelle hypothèse de propulsion apparaît, la propulsion par flux de densification de Loire. Nous chargeons la soute d'eau de Loire prise à l'avant du fabrudy, la dépression occasionnée nous propulse. La perte de densité de l'eau contenue dans la soute, seule explication possible à la possibilité de sa contenance, soulève le prototype qui glisse tranquillement sur la pente produite par la dépression avant. nous avançons. Le courant nous maintient néanmoins exactement à la même position.
Note du capitaine, jour 9, 0h38
Tout va bien sur le fabrudy. Il flotte. Les nouveaux calculs de ligne de flottaison sont manifestement approximatifs. nous sommes à la limite de sombrer, mais sans véritable risque. Les nouveaux bras de soutient font parfaitement leur affaire. La circulation de la Loire dans la soute rafraîchit l'atmosphère pesante de ce presque été. Nous dégustons le fruit du dernier barbecue de Bruno, andouillettes de canard de Loire, confectionnées par Eddy. Reste encore à organiser les quarts pour cette nouvelle nuit, mais pour le moment, place à la détente.
Journal d'Eddy : Expédition Rezé-Nantes-Rezé - Jour 8:
La fatigue s'est accumulée et, si la volonté qui nous anime est intacte, notre capacité de production s'est réduite.
De fait, nous ne sommes pas prêt pour la marée de 10h44. Nous devrons embarquer en pleine nuit à 23h22.
Nous bouillons d'impatience tant que le capitaine est obligé de nous tancer plusieurs fois.
Enfin nous partons.
La mise à l'eau se passe remarquablement bien et nous veillons fort tard.
Un peu à cause de l'excitation, beaucoup car nous surveillons la flottabilité du nouveau prototype qui à tendance à s'enfoncer plus que prévu.
Sans l'adjonction des deux nouveaux flotteurs, nous coulions corps et biens.
Pendant la nuit, nous subissons les effets du terrible combat que se livre la Loire et la mer depuis toujours.
Nous sommes tiraillés entre Nantes et Saint-Nazaire, sans que jamais nous ne puissions y choquer nos verres.
Nous sommes les enfants de Trentemoult.
Toujours nous en partons, toujours nous y reviendrons, transportant dans nos soutes un mètre cube de Loire et quelques souvenirs.
Note du capitaine, jour 8, 20h15
Nous sommes en attente sur le terre-plein du Centre Nautique. J'essaie de calmer l'équipage qui fait feu de tout bois pour descendre le Fabrudy sur la cale. La basse mer étant à 22h21, nous descendrons aux alentours de 21h pour poser le prototype, dîner et attendre le flot qui soulèvera -j'espère- l'engin.
Ces attentes créent un moment un peu flottant qui sème une légère discorde au sein de l'équipage, mais j'aime voir ces braves bouillir à l'idée de reprendre la Loire!
Journal d'Eddy : Expédition Rezé-Nantes-Rezé - Jour 7:
Réveil à deux dans la cabine du Fabrudy, rapatrié dans le hangar de Trentemoult pour réparation.
Nous n'avons toujours aucune nouvelle de Bruno.
Par réflexe, j'ai regardé sous la couchette du capitaine en me réveillant.
Elle était vide comme la niche du vieux chien de mémé qu'on croyait ne jamais voir mourir.
Nous nous mettons immédiatement au travail car le Fabrudy doit retrouver l'eau jeudi matin.
Nous réparons les longerons et les entretoises abîmés par le choc et décidons d'ajouter un troisième axe porteur qui traversera la coque par son milieu.
Le capitaine perce la coque à 30 cm au dessus du niveau de flottaison.
Son perçage s'achève en un cri strident.
Il vient de perforer le fondement de Bruno!
L'animal roupillait dans la soute depuis ce temps.
La blessure est superficielle, nous nous étreignons.
Bruno est vraiment très étonné de notre comportement, c'est assez rare de voir un mort exprimer une émotion si franchement.
Le capitaine reprend son équipe en main et nous travaillons comme des fous jusqu'au soir.
Nous dînons avec des amis dans le hangar.
Je vois au sourire du capitaine qu'il est heureux d'avoir retrouver son ami et aussi un cuisinier digne de ce nom.
Demain le Fabrudy voguera de nouveau sur la Loire.
Notes du capitaine - Jour 7
Tant d'émotions ont failli entamer ma confiance en cette expédition.
Ce fut à la fois une grande surprise et la marque d'un manque de méthode criant que de chercher Bruno par monts et par vaux sans même penser à fouiller la soute.
Nous sommes tout de même heureux de pouvoir reprendre le travail pour les deux jours qu'il nous reste, et avec une équipe au complet. De nombreuses expériences n'ont pu être menées. La météo, puis les avaries et enfin cette angoissante expérience de disparition.
La furtivité tant recherchée s'est invitée dans le Fabrudy par le bas…
Pour pouvoir repartir, les bras des flotteurs doivent être renforcés, deux nouveaux bidons viennent soutenir la structure, nous revoyons les fixations des pièces maîtresses, l'arrachement du flotteur bâbord s'est produit au niveau des vis trop peu nombreuses.
Pour remédier aux multiples voies d'eau, je décide de d'ouvrir la coque en proue et poupe pour favoriser la circulation des eaux, et réduire la résistance à la manoeuvre, la portance sera assurée par les nouveaux bidons.
Étrange opération pour un capitaine que de scier l'étrave de son propre navire, mais ces brèches vont nous permettre de mener de nouvelles expériences . Enfin nous pourrons pénétrer les sombres eaux de la Loire sans risquer la noyade, l'expérience que Bruno nous relate nous fait froid dans le dos. Par chance il ne s'est agi que d'un rêve. Nous sommes passé à deux doigts de la catastrophe.
Demain jeudi 14 juin, marée basse à 9h39 à Trentemoult, c'est une marée de morte-eau, nous devons absolument amener et rassembler le Fabrudy sur la cale du CNSL avant 11h, sans quoi la mise à l'eau sera impossible.
C'est un nouveau départ pour l'expédition, la dernière chance pour nous de percer les secrets de la Loire antique. Je demeure fermement convaincu de la possibilité d'une réussite. Nous échouerons samedi à Saint-Lupien si tout se passe comme prévu.
Journal d'Eddy : Expédition Rezé-Nantes-Rezé - Jour 6:
Drame.
Ce matin, quelque chose a percuté le Fabrudy.
Le choc a été extrêmement violent.
Le capitaine a valdingué dans le cockpit, tandis que je m'agrippais au pont arrière pour ne pas choir dans l'eau glaciale.
Notre bras stabilisateur bâbord a été arraché dans l'accident et le bateau penche dangereusement.
Mais il y a plus grave.
Bruno, dont nous pensons qu'il lisait assis sur un des flotteurs, est introuvable.
Le bras stabilisateur est repéré, dérivant à quelques encablures, mais Bruno n'est pas dessus.
Nous partons toute la journée à sa recherche, le capitaine scrute les berges tandis que je manoeuvre notre armoire-annexe.
Nos recherches ne donnent rien.
Bruno est introuvable.
Peut-être la Loire, dont il était follement épris, a-t-elle récupéré son amant pour toujours.
Nous lui improvisons un bref requiem, mais je sais que dans le coeur du capitaine comme dans le mien, il reste une lueur d'espoir de retrouver Bruno le poète, vivant.
Nous décidons de continuer l'expédition quand même et rapatrions le Fabrudy à Trentemoult pour réparer.
Journal d'Eddy : Expédition Rezé-Nantes-Rezé - Jour 5:
Ce matin, nous nous sommes levés de bonne heure.
Le capitaine nous enseigne les rudiments du Taïchi pakistanais.
Nous libérons nos énergies négatives qui tombent comme des petits cailloux dans la Loire.
Nous sommes parés pour une excursion sur berges, nous amarrons sur une plage et partons vers l'aventure.
La radio JetFm (http://www.jetfm.asso.fr/site/Le-M-I-D-I-du-11-au-15-juin.html) doit nous appeler en direct pendant leur émission M.I.D.I.
Le capitaine nous entraîne sur un sentier menant, dit-il, à une clairière paradisiaque.
Tu parles, en dix minutes, nous nous perdons et quand JetFm nous appelle, nous sommes dans un espèce de bosquet semi-urbain.
Toujours en direct avec Jet, nous nous dirigeons vers un bâtiment pour demander notre route.
Alors là, bonjour l'aventure, nous arpentons des couloirs et des escaliers bétonnés.
C'est carrément la téci, mec.
Au bout d'un couloir de deux kilomètres, on tombe sur des gars sympas dans une espèce d'antichambre qui donne sur ...
incroyable : le studio de JetFm.
On claque la bise à Pascal, l'animateur, et on attaque l'émission surexcités.
Heureusement Pascal est un vrai professionnel et il nous recadre par une technique bien connue des gens de radio : la mauvaise nouvelle.
En effet, sur son ordinateur, relié au stream que nous émettons depuis le Fabrudy, nous voyons défiler les berges de la Loire.
Le prototype se fait la malle.
Nous passons le reste du jour à le chercher et Bruno trouve des bigorneaux.
Nous les mangerons sans lui, occis, il s'isole sur le pont pour lire et s'endort bien vite au calme dans la cale.
Marina Pirot, de l'association OnTime qui produit le projet, vient rapidement boire un coup avec nous, puis nous dînons en duo avec le capitaine d'un repas que je prépare moi-même :
omelette d'oeufs de canne, cébette sauvage, concombre de mer, Angélique des marais, arrosée d'un château Montus 2008 et d'un rhum Clément de Martinique.
Depuis la cale, Bruno émet des ronflements réguliers que nous ne tarderons pas à harmoniser.
Nous dormons comme des enfants.
Journal d'Eddy : Expédition Rezé-Nantes-Rezé - Jour 4:
Toujours plus loin vers l'inconnu.
Le râteau d'Alexis, premier essai de locomotion, se révèle épuisant à manoeuvrer et inefficace face aux courants.
Nous nous laissons porter par le fleuve, messagers sans but et sans nouvelle.
Le capitaine a parfois de ces humeurs mélancoliques semblables, comme si, tels l'Alien et Ripley, il était lié au navire par un pacte ancestral qu'aurait scellé la pluie bretonne.
Bruno semble prendre la situation en main.
Le fumeur contemplatif se mue en incroyable homme d'action.
Hop, il descend en soute, il remonte muni d'une paire d'hélices qu'il installe, crac, en deux coups les grosses sur notre vélo d'appartement.
Je lui file la main, il prend place aux commandes et commence à pédaler.
Ça y est, le capitaine sort de sa torpeur, il sort sur le pont et constate que les hélices tournent : nous avançons!
Bruno est pris d'une frénésie de vitesse, il pédale comme un dératé, nous filons sur l'onde jusqu'à l'épuisement de notre maître-coq.
Le reste de la journée est calme, nous contemplons la rive, nous accosterons le soir et dînerons à terre avec l'ami Guillaume qui nous livrera quelques techniques pour gagner au bridge.
Nous rentrerons vers le Fabrudy, ivres d'alcool et d'aventure.
Journal d'Eddy : Expédition Rezé-Nantes-Rezé - Jour 3:
Nous dormons trop bien.
Notre réveil à 10h30 écourte notre gymnastique matinale et notre petit déjeuner (je parlerai un jour du Nescafé et de ces méfaits sur l'organisme).
Nous avons un direct avec le site de Saint-Lupien, notre base arrière, et une télé-rencontre avec le groupe Métal-Physique à 14h.
Le capitaine, qui hait le désordre et l'improvisation, est furax.
On ne la ramène pas trop.
Nous nous laissons dériver pour affiner le stream, longeant les anciens quais bétonnés, les friches et les péniches échouées.
Nous dérivons si bien qu'il est déjà 14h.
Métal-Physique répond musicalement à nos interrogations du moment et tout est parfait.
Nous détectons un affaiblissement du signal qui semble venir de Saint-Lupien.
Là-bas, personne n'est abilité à réparer ce genre de problème.
Il faut suivre un protocole draconnien, mis en place par le capitaine et compilé dans un classeur qui est avec nous sur le Fabrudy.
Nous vidons et détachons l'armoire-annexe et le capitaine, courageusement, part vers la rive et coule.
Il arrive trempé sur le site de Saint-Lupien et nous terminons le direct en écoutant tous "Tous les cris les SOS" de Daniel Balavoine.
Nous récupérons l'annexe et le capitaine plus tard et nous expérimentons notre premier type de locomotion : le rateau d'Alexis.
Je fabrique un rateau très simple dans du contreplaqué et je l'assemble avec un bambou de Loire.
Nous nous plaçons à l'avant du bateau et ,à tour de rôle, nous élevons puis lançons le rateau dans l'eau et tirons : nous avançons.
Le rendement énergie dépensée / traction est de 2,7%.
A ce rythme là et compte tenu des courants, il nous faudra 245 jours pour atteindre l'autre rive.
Nous amarrons pour diner*.
* Salade de saumon mariné, cebette, roquette, salade sauvage - pâtes de Loire.
Vin Blanc de Pascal Corelleau.
Journal d'Eddy : Expédition Rezé-Nantes-Rezé - Jour 2:
Conditions climatiques toujours mauvaises.
La rencontre des flux de la marée montante et du courant de la Loire crée des vaguelettes désordonnées fortement désagréables.
Le prototype est difficile à manoeuvrer, nous cabotons, ou plutôt avec toutes ces caméras présentes dans le cockpit, nous cabotinons.
Nous sommes actuellement abrités dans un bosquet qui nous protège et nous masque des touristes.
Une grande partie de notre temps est consacré à la recherche de nourriture.
Nous trouvons du riz et de l'ail sauvage, quelques poivrons portugais et nous croisons un pêcheur qui nous donne un pain d'encornets surgelés.
Nous réalisons des hélices à visser au vélo d'appartement fixé en soute.
Un système imaginé par les enfants du collège Allende, peaufiné par Paul.
Nous en ferons un essai plus précis demain, mais cela semble fonctionner.
Nous pensions que la voie d'eau s'était stabilisée, mais le capitaine me fait très justement remarquer que le niveau d'eau de la cale semble plus haut que celui de la Loire.
Je décide de faire un trou 5cm au dessus du niveau de la Loire, par l'extérieur, et instantanément le contenu de notre cale se déverse dans le fleuve.
Incroyable, nous avions une contre-voie d'eau.
Ce soir, Bruno nous fera des encornets à la Pérousiennes,
Le capitaine a reçu un message d'Anaïs Rolez, historienne de l'art, qui nous rejoindra en barque pour dîner avec nous.
L'équipage, qui n'a vu personne depuis 26h, est excité par la proximité de cette arrivée féminine.
Journal d'Eddy : Expédition Rezé-Nantes-Rezé - Jour 1:
Quelle soirée mes amis.
Malgré l'avis de grand frais au large, le capitaine décide de mettre le bateau à l'eau.
Nous partirons depuis la cale de Trentemoult, portés par les flots et par une volonté d'acier inox.
Le public est venu nombreux assister à l'événement, le capitaine est avec les officiels, pendant qu' avec Bruno nous chargeons le navire.
Nous décidons de passer la soirée à quai, le vent ayant encore forci.
A 19h02, deux heures avant la pleine mer, le prototype flottant se soulève, tandis que de joie, nous nous étreignons.
Je signale au capitaine une légère voix d'eau à l'arrière, le capitaine nous rejoint, nous portons un toast, Bruno déclare qu'il a faim, habile stratagème de ce discret esthète pour masquer l'émotion qui l'assaille.
Nous sommes désormais coupés du monde.
Au loin les gens nous regardent sur les écrans des Films du Camion, qui retransmettent en direct l'intérieur du navire, et boivent des coups.
Nous entendons la rumeur de la fanfare "Le grand machin-chose", venue célébrer le départ.
Nous effectuons les réglages d'usage, tandis que Bruno prépare le barbecue, l'eau dans la cale m'arrive aux chevilles.
Appelé à la rescousse par le capitaine, notre mousse, Antonin Gerson, sort de la cale comme un diable de sa boite, il porte dans sa main, un tube de silicone pour colmater les fuites.
Nous dînons d'une excellente côte de boeuf à la slice (recette de Bruno) et de deux bouteilles de Cheverny.
Antonin nous quitte et après une courte partie de tennis de table, nous nous couchons.
Dans la cale, l'eau m'arrive au genou.
A 21h30, la main de Bruno qui dort sur le sol du prototype trempe dans l'eau de la cale.
Nous décidons de remettre l'engin au sec pour réparer.
Sortir le prototype de l'eau est une tannée, le bois s'est gorgé d'eau, il est trop lourd.
Nous cassons le treuil de la remorque, nous manquons abandonner, puis aidés par des indigènes, nous soulevons et déposons le prototype sur la remorque.
Nous calfatons toute la nuit.
A 6h15, au levé du jour, nous larguerons enfin les amarres.
Nous sommes à 80m de notre point de départ.
Message du Capitaine :
Ça y est. Nous y sommes. Le prototype flottant, baptisé le "FABRUDY" est à flots, et même si la météo nous joue des tours avec des rafales d'ouest à trentemoult de trente noeuds, nous prenons nos marques.
Après les premières images en direct hier diffusées par les films du camion, notre émetteur vidéo n'a pas bien supporté l'humidité de la nuit et est déjà en panne. Nous nous activons pour le rendre de nouveau opérationnel avant ce soir.
Nous établissons le programme expérimental pour la journée, mais les derniers préparatifs nous occupent à plein temps.
Néanmoins notre réseau wifi reste opérationnel. Quelques images nous parviennent déjà des visiteurs sur la berge.