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LES ENTRETIENS DU LABORATOIRE DES HYPOTHESES 2012
Fabrice Gallis, Anaïs Rolez
De janvier à juin, le laboratoire invite un certain nombre de spécialistes à s'entretenir avec lui.

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Jan Svankmajer - Moznosti dialogu (Possibilités de Dialogues) -1982.

Les entretiens sont des moments d'échange autour d'objets du laboratoire ou de questions liées à la recherche. Ils ont pour but d'éclaircir certains points. Ces entretiens peuvent prendre la forme de conversations, de situations ou d'objets matériels. Ils seront archivés au sein du laboratoire et constitueront des outils pour la recherche actuelle et ses développements futurs.




L'entretien élargi :
par Anaïs Rolez.

Par souci d'établir un protocole scientifique, les entretiens entrent dans le processus expérimental du laboratoire. Ils sont des productions d'énoncés, des matériaux à part entière qui vont permettre d'enrichir la recherche et l'expérience esthétique.
Étant donné que nous sommes contraints par la nature même du discours à des règles de cohérence, ces entretiens se présentent sous des formes variées. Il encouragent des réponses ou des propositions aux formes multiples, interrogeant le concept même de l'entretien dans lequel la manière de poser les questions oriente voire conditionne les réponses.
L'entretien n'est pas qu'un ensemble d'informations factuelles il est également une conversation élargie. L'intérêt du dialogue est multiple. Il prend un aspect logique et universel et une dimension singulière et évocative. L'échange de méthodes, d'opinions, de raisonnements, d'idées permet l'émergence de prises de conscience et de sens. C'est une coopération, un entrecroisement, une interaction qui produit des effets positifs sur la construction des opérations mentales et sensibles (du social à l'individuel).
Le raisonnement se construit grâce à la pensée hypothético-déductive (pensée abstraite qui est le fruit d'une longue élaboration). Cette élaboration, fait partie des démarches du laboratoire des hypothèses au même titre que l'abstraction réfléchissante (activité mentale qui permet d'installer l'action dans ses dimensions relationnelles) et que l'abstraction simple (opérations où l'on construit l'objet à partir de ses propriétés spécifiques : par sensation, juxtaposition, comparaison). Toutes ces activités préparent à la logique et sont indispensables à son élaboration. Un des objectifs de l'entretien est également de stimuler l'abstraction réfléchie pour que la pensée devienne capable de réflexion sur la réflexion toujours pour faire émerger des prises de conscience.1\
Nous nous trouvons dans le champ de l'induction (produire du vrai à partir du possible) quand il s'agit du domaine des hypothèses (hypothèses que nous cherchons à vérifier par une démarche scientifique expérimentale par exemple). Mais également dans celui de la déduction (déduire du vrai à partir du vrai), de l'action (mode de transformation du réel rendu possible par les schèmes moteurs), de l'activité (perception, prise d'informations relative aux composants de l'objet de connaissance). L'entretien est à la fois une ouverture pour la pensée et un déploiement de la pensée. Une démarche de construction et une construction du raisonnement. Une construction du savoir, un lieu d'interaction, une coopération et une médiation en ce sens que le raisonnement se construit dans l'échange.2\
L'entretien a plusieurs buts dont saisir des choses des subjectivités. Cela est possible en passant par ces subjectivités mêmes. L'énoncé narratif de départ permet de ré-incorporer des questions qu'on ne peut pas se poser avec la philosophie ou les sciences car elles sont objectives. Les entretiens ne se limitent pas à la verbalisation, ils peuvent aussi se faire sous des modes de représentation graphiques par exemple et constituer une traduction imagée, ou encore sonore, gestuelle, emprunter plusieurs formes sans en privilégier aucune voire même n'être que des rapprochements entre eux. Le degré d'implication est donc plus élevé grâce à cet élargissement de l'entretien.
Il y a un rapport du discours au temps : le discours est considéré d'abord dans son actualisation. C'est-à-dire comme produisant un sens interne au corpus (à l'entretien ou à l'ensemble d'entretiens). Et il y a un rapport de la parole à l'espace dans le sens où elle en modifie la représentation. Le décalage entre la vision artistique et la vision scientifique est donc la zone de ré-interprétation du monde, de la manière dont il est perçu ainsi que ses frontières. En ce sens « l'expérimentation artistique anticipe toujours en pratique, par le fait, toutes les possibilités intellectuelles de la réflexion philosophique, et en l'espèce elle peut transformer le contenu même de l'idée d'œuvre. »3\
Cette recherche permet de créer les possibilités de la rencontre (la rencontre peut être envisagée comme un mouvement). Il s'agit de vivre une expérience esthétique enrichie, en commun pour une part, et révélant en même temps une portée symbolique propre à chacun. La notion de lucidité est engagée ici dans le sens où le regard est orienté. C'est l'envie de sens qui fait cohésion. Il y a un échange permanent entre les choses du réel et la fiction. Cet échange est un des objets de la recherche en tant que plus qu'un don mutuel, il est également une forme.
Le but n'est pas de construire une fiction mais de créer les conditions d'un laboratoire. La fiction est un outil / un espace tangible qui permet de changer de point de vue sur les possibilités du réel. Le décalage est relatif à son point d'ancrage qui est la fiction convenue.
Partant du principe qu'une réalité est une fiction convenue. Les jalons de la réalité convenue sont précisés afin d'établir un cadre commun où chacun peut évoluer – participer – il s'agit de lever les obstacles épistémologiques et de pouvoir penser des choses qui sont impensables par des concepts scientifiques. Le questionnement, les méthodes sont scientifiques. Le saisissement de la réalité est possible par la technique et le dé-saisissement par la poésie. L'art se place donc entre réalité absolue et irréalité absolue soit comme une réalité relative ou comme une relative irréalité. Les réponses récoltées lors de ces entretiens ne sont pas des définitions mais une somme d'expériences en ce sens que ce qui est dit n'est pas ce qui est communiqué4\. La présence est plus importante que le perçu.

En somme :

Nous souhaitons inviter des personnes et les questionner (de plusieurs manières) sur la forme même de l'entretien ou pour éclaircir un point de l'entretien. Les médiums sont multipliés pour ne pas négliger l'importance du faire, pour varier les formes et enrichir la compréhension et l'utilisation d'une conduite qui varie en fonction de la spécificité de la situation. L'objet entretien est à la fois l'objet de recherche et l'objet qui fait avancer cette recherche. Les informations récoltées constituent un corpus, une base à étudier sur laquelle on peut revenir au fur et à mesure de l'avancement du projet, de son orientation.
En ce sens le laboratoire des hypothèses associe en même temps la production d'une situation artistique et d'une forme de savoir sur celle-ci qui interagit avec elle. Il s'agit d'un projet de recherche en art dans le sens où il n'y a pas de séparation stricte entre le moment de la recherche et celui de la création. L'œuvre est la recherche d'un contexte inédit d'interaction sociale (dont la forme est à trouver et à expérimenter) sans opposition entre actions et savoirs mais association des deux. C'est un travail collectif, une activité évaluée entre pairs, une production collaborative dont la forme est évolutive.5\ C'est la possibilité d'un usage non savant du savoir, d'un dialogue avec eux ainsi que celle de l'extension des concepts scientifiques grâce à la mise en réalité concrète de la pratique artistique.

1 M. Perraudeau, Échanger pour apprendre. L'entretien critique, Ed. Armand Colin, Paris, 1998.
2 Ibid
3 J-P Doguet, L'art comme communication, pour une re-définition de l'art, ed. Armand Colin, Paris, 2007.
4 Michael Herrmann, Ce qu'interlocuter veut dire
5Jehanne Dautey (dir.), La Recherche en art(s), ed.MF, Paris, 2010.

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